Analyse
L'international des feux Loto-Québec
Analyse du feu 2025 de la France par la firme Lux Factory







Frédérick Bastien
Collaborateur
27 Juillet 2025 - La Ronde
Il aurait été difficile d’imaginer un meilleur feu d’artifice pour terminer la phase compétitive de cette 39e édition du Concours international d’art pyrotechnique de Montréal. Pour cette première participation à Montréal, Lux Factory a offert un poème en lumières, un spectacle évocateur et touchant. Malgré quelques imperfections et un certain relâchement dans les dernières minutes, cette recrue française est une sérieuse prétendante au podium, possiblement pour la plus haute marche.
Sous le titre « Re[Connexion] », cette création avait pour thème les promesses, puis les enjeux que recèlent les outils numériques de communication avec un découpage en trois temps : la « connexion », introduite par le son d’une composition téléphonique activant un modem; la « déconnexion », amenée par des sonneries répétitives signalant d’incessantes et aliénantes notifications; puis l’heureuse « reconnexion » directe entre les humains à l’extérieur des voies virtuelles. Les 13 extraits musicaux servaient ce propos, parfois de manière très explicite (notamment avec l’adaptation par Stromae de L’amour est un oiseau rebelle de l’opéra Carmen), d’autres fois de façon plus suggestive.
Parmi tous les concurrents cette année, Lux Factory est celui ayant édifié la conception technique la plus complexe. En plus de mettre à contribution toutes les rampes de lancement présentes sur le site, la firme française a érigé une tour haute de plusieurs dizaines de mètres, maintenue en équilibre à l’aide d’un chariot élévateur. Elle comportait six postes de mise à feu le long de cette structure tubulaire et un septième sur la plateforme au sommet. Cette installation n’était pas sans rappelée une rampe de lancement verticale similaire déployée par Göteborgs FyrverkeriFabrik (Suède) en 2016 et Atlas Pyro Vision (États-Unis) en 2019, à la différence qu’elle ne comportait pas de dispositif 360 degrés. Ce dispositif, et quelques autres moins spectaculaires mais néanmoins efficaces, ont permis une variété de schémas de tir.
La symbiose entre la musique et la pyrotechnie, et la précision de la synchronisation, étaient évidentes dès la séquence d’ouverture, lorsque des tourbillons blancs sont apparus sur le bruit du modem tentant d’établir une connexion, puis que des flashs, des mines et des comètes suivaient parfaitement les notes saccadées de Robot Rock du groupe parisien Daft Punk. Le naufrage émotionnel exprimé dans ADHD se reflétait dans un tableau presque tout en rouge et dans lequel la synchronisation a atteint son paroxysme. L’avant-dernier tableau, qui culmina comme une finale tout en blanc et assortie de quelques bombes en cœur, se mariait bien à Je dis Aime de Matthieu Chedid. Celui avec Mr Blue Sky a mis en valeur des tons de bleu, du plus pâle au plus foncé, accompagnés de teintes orangées illustrant le soleil. Un autre excellent ingrédient de ce feu a été le dosage de la pyrotechnie, qui épousait très bien l’intensité de la musique, avec ce que cela amenait de moments plus contemplatifs, par exemple des gerbes, des fontaines et des bombes silencieuses sur Echoes de Pink Floyd.
Ce niveau élevé de conception et de synchronisation a prévalu pendant une bonne partie du spectacle, mais les trois derniers tableaux ont été plus « réguliers » avec une conception pyromusicale un peu moins soignée, une synchronisation plus relâchée et des schémas de tir plus conventionnels. Par ailleurs, quelques pièces pyrotechniques n’ont pas été allumées au bon moment, ici et là, et d’autres semblent avoir été absentes occasionnant quelques asymétries. Enfin, le choix d’une musique minimaliste en guise de tableau final (Hoppípola de Sigur Rós) était un peu surprenant et n’a pas conduit à la plus grande apothéose de la saison.
Une prédiction pour le podium 2025? Les Jupiter d’or à la France et d’argent à l’Italie dans une première course à deux, puis le Jupiter de bronze à la Suisse, dans une seconde course serrée avec le Japon et le Canada. Mais il y a un an, la personne qui signe ce billet avait également qualifié de « peu probable » un trophée pour l’équipe japonaise et celle-ci remporta finalement le Jupiter de bronze. Demeurons donc à l’écoute.
Frédérick Bastien